Quand le droit immobilier croise la mauvaise foi, la ligne rouge est vite franchie. Dans une affaire peu banale, nous avons eu à défendre un locataire pris au cœur d’un stratagème concerté entre son bailleur et un sous-locataire, visant à l’évincer pour mieux capter à leur profit la promesse de vente attachée à son bail.

Nous avons été sollicités dans une affaire qui s’est révélée peu commune : un locataire, titulaire d’un bail assorti d’une promesse de vente consentie par son bailleur, soupçonnait un possible concert frauduleux ourdi contre lui par son bailleur et son sous-locataire.
Effectivement, les événements incitaient à croire que le bailleur et le sous-locataire s’étaient entendus pour mettre en place un stratagème illicite avec les rôles suivants :
- Le sous-locataire devait s’abstenir de payer les sous-loyers, sous des prétextes fallacieux, de manière à priver le locataire de ressources, lui interdisant ainsi toute possibilité, de facto, de payer ses propres loyers au bailleur ;
- Le bailleur devait s’emparer du défaut de paiement de ses loyers par le locataire, provoqué comme indiqué ci-dessus, pour mettre en place une procédure en résiliation du bail pour non-paiement des loyers ;
- De la sorte, le bailleur et le sous-locataire caressaient ensemble la perspective de faire tomber la promesse de vente associée au bail, pour que l’immeuble puisse à terme être vendu, non pas au locataire pris au piège de leurs manœuvres, mais au sous-locataire ;
- Les compares avaient chacun un avantage en vue : le bailleur allait pouvoir vendre plus cher que le prix contenu à la promesse consentie au locataire, et le sous-locataire allait pouvoir investir en qualité de propriétaire.
Le tout sur le dos de leur victime.
Fort heureusement, ce duo malveillant a commis l’imprudence de laisser des indices du concert frauduleux : de fil en aiguille, les juridictions ont fini par désavouer les prétextes mis en avant par le sous-locataire pour ne pas payer les sous-loyers.
Après quatre années éreintantes de procédure enchevêtrées, devant plusieurs juridictions différentes et en divers lieux, le couperet de la justice est tombé :
- Le sous-locataire a été reconnu, à plusieurs reprises, coupable de résistance abusive à raison de son attitude consistant à ne pas payer les sous-loyers : cela lui a valu d’être condamné à payer, non pas seulement tous les sous-loyers, mais, au-delà des dommages et intérêts et des frais de justice pour des sommes conséquentes ;
- Le bailleur, après un jugement qui lui avait d’abord été favorable (le stratagème a été proche d’aboutir…), a ensuite été débouté de ses demandes en résiliation du bail principal par un arrêt de la Cour d’appel : non seulement le jugement qui avait prononcé la résiliation a été réformé, mais le bailleur indélicat a été condamné à payer à son locataire, au titre de ses frais de justice, la somme exceptionnelle de…45 000 € !
Pendant 4 ans, le bailleur et le locataire ont donc perdu leur temps et leur argent pour finalement ne récolter qu’un désaveu magistral de leurs turpitudes finalement mises à nu.
Moralité : Investir dans la fraude n’est pas seulement s’abaisser à un comportement déviant, mais, en plus, bien souvent, ce genre de calcul ne rapporte rien, sinon de graves déconvenues.
Avocat associé fondateur
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